dimanche 25 janvier 2009

INVITATION

VENDREDI 20 FEVRIER 2009 à 20h30

CENTRE CULTUREL de SAINT-PIERRE des CORPS
31 avenue de la République ( parking place de la Mairie )


OUVERTURE D’UN CHANTIER/THEATRE

Avec Patrick HARIVEL et Alain LECLERC

CE N’EST PAS LA RUE QUI GOUVERNE

L’action se passe dans « l’île des esclaves », une sorte de République ayant pour devise :
« Un Président fort pour un peuple fort ».
Et le fait est que chaque jour, sur tous les écrans de télévision, le Président est là plutôt deux fois qu’une ; il prétend notamment être le seul à pouvoir régler tous les problèmes avec une arrogance imbécile qui ne fait rien d’autre que révéler son insignifiance.
Pourquoi faut-il que les peuples aient toujours besoin d’être dirigés par des Rois, des Empereurs ou les Présidents ?
Il est écrit dans la Constitution que cette République a pour principe : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Sans préciser quel sens on doit donner à l’expression « pour le peuple ».
Il faut évidemment comprendre « au profit du peuple ».
Mais qu’advient-il si l’action du gouvernement se trouve, par malheur, dirigée « contre » le peuple ? ou simplement s’exerce « à la place » du peuple, sans lui demander son avis ?


Un dossier documentaire vous est proposé sur :
http://www.atelier58.blogspot.com

Vous pouvez également intervenir sur
chantier.theatre@free.fr

PROPOSITIONS POUR UNE EXPERIENCE DE CHANTIER THEATRE

« Du passé faisons table rase… nous ne sommes rien, soyons tout »
(L’internationale)


« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le fera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Albert CAMUS ( Discours de Suède )


PROPOSITIONS POUR UNE EXPERIENCE DE CHANTIER/THEATRE

Une troupe de comédiens se prépare à représenter une pièce de Marivaux, « l’île des esclaves ». Après avoir fait naufrage, un valet de comédie, Arlequin, et son maître échouent sur une île peuplée d’anciens esclaves qui ont pour habitude de « corriger de leurs défauts» tous les patrons venant à leur tomber sous la main. A cet effet les domestiques prennent la place de leurs maîtres ; les maîtres étant, de leur côté, réduits en esclavage.
A la fin de la pièce, une fois les patrons devenus « raisonnables », chacun reprend sa place comme avant.
La pièce a été représentée pour la première fois en 1725, soit un peu plus de soixante ans avant la Révolution française. Dans ses Causeries du Lundi, en 1854, Sainte-Beuve observe que « cette petite pièce est presque à l’avance une bergerie révolutionnaire de 1792 ».
Inscrite au répertoire de la Comédie Française en 1939, la pièce est reprise en 1964 par le Théâtre de l’Est parisien dans une mise en scène futuriste où les personnages prennent la forme de martiens ou de cosmonautes. De son côté en 1995, au théâtre de l’Odéon, Giorgio Strehler l’adapte à la manière des tréteaux de la foire et de la commedia dell’arte.
En raison de leurs dimensions les îles se prêtent assez bien à ce genre d’expériences politiques à petite échelle, comme en laboratoire. Marivaux use encore de ce procédé à deux reprises dans « L’île de la Raison » et dans « la Colonie » où il est question de la libération des femmes.
Le travail sur modèles réduits permet de simplifier les données des problèmes et d’avoir ainsi les moyens de les résoudre à peu de frais. Quant à en reprendre les conclusions pour les transposer à plus grande échelle, c’est une autre affaire.

Ici, les comédiens en viennent peu à peu à sortir du texte pour transposer la situation dans une sorte de République ayant pour devise : « Un Président fort pour un peuple fort ».
Et le fait est que chaque jour, sur tous les écrans de télévision, le Président occupe la scène plus souvent qu’à son tour ; il prétend notamment être le seul à pouvoir régler tous les problèmes avec une arrogance imbécile qui ne fait rien d’autre que révéler son insignifiance.
Pourquoi faut-il que les peuples aient toujours besoin d’être dirigés par des Rois, des Empereurs ou des Présidents ?
Il est écrit dans sa Constitution que cette République a pour principe : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Sans préciser quel sens on doit donner à l’expression « pour le peuple ». Il faut évidemment comprendre « au profit du peuple ».
Mais qu’advient-il si l’action du gouvernement se trouve, par malheur, dirigée « contre » le peuple ? ou simplement s’exerce « à la place » du peuple, sans lui demander son avis ?
Par la force des choses, en venant au monde, chaque génération se trouve placée devant le fait accompli, doit non seulement accepter « l’état des lieux » tel qu’il se présente mais de plus, absorber les dettes contractées par ses prédécesseurs.
Or ce qui était vrai pour une société, à un moment de son histoire, ne l’est peut-être plus tout à fait cinquante ans après. Pour la simple raison que le peuple n’est plus le même, que les conditions de vie ont changé. Le « tiers-état » n’est plus ce qu’il était, ou plutôt ce qu’il n’était pas, au XVIIIème siècle quand il fut question de fonder une République pour tenter de donner un semblant de raison d’être aux individus qui le composaient. En particulier, au jour d’aujourd’hui, que faut-il faire des « étrangers » qui viennent occuper l’espace de nos villes et de nos banlieues ? Le fait de naître ici ou là et d’avoir ou non des papiers est-il déterminant pour trier les gens et décider de ceux qui ont le droit de vivre parce qu’ils sont « en règle » avec l’administration, alors que, faute de fournir la preuve qu’ils existent, « les autres » ne seraient que des « objets » encombrants dont il conviendrait de se débarrasser ?

La pièce se présente comme un « chantier théâtre », c'est-à-dire une construction inachevée, encore à l’état de « gros-œuvre » où il est demandé aux spectateurs de devenir eux-mêmes acteurs afin de mettre la main à la pâte pour finir les travaux. A cet effet, les comédiens jettent le livre dont ils se sont servis et invitent le public à poursuivre :
« le plus important ce n’est pas tant ce qui est écrit que ce qu’il reste à écrire »

DOSSIER

1) SUR UNE ENTREPRISE DE REHABILITATION PAR LE TRAVAIL

MAO TSE TOUNG – Allocution de clôture à la deuxième session du 1er Comité national de la Conférence consultative politique du Peuple chinois (23 juin 1950)

« L’exercice de la dictature démocratique populaire implique deux méthodes.
A l’égard de nos ennemis, nous employons celle de la dictature ; autrement dit, aussi longtemps qu’il sera nécessaire, nous ne leur permettrons pas de participer à l’activité politique, nous les obligerons à se soumettre aux lois du gouvernement populaire, nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux.
Par contre, à l’égard du peuple, ce n’est pas la méthode de la contrainte, mais la méthode démocratique qui intervient ; autrement dit, le peuple doit pouvoir participer à l’activité politique ; il faut employer à son égard les méthodes démocratiques d’éducation et de persuasion, au lieu de l’obliger à faire ceci ou cela. »
Pu yi, le dernier empereur de Chine, après dix ans d’internement dans un camp de travail, a terminé sa vie comme jardinier. Du jour où il a su lacer ses chaussures lui-même ses « instructeurs » ont considéré qu’il était enfin devenu « un homme ».


2) A PROPOS DE LA SOLUTION FINALE DE LA QUESTION JUIVE

Le 18 juin 1940 Von Ribbentrop Ministre des Affaires Etrangères du IIIème Reich confie à son homologue italien le comte Ciano ( gendre de Mussolini ) que le Führer a l’intention de déporter les juifs d’Europe dans l’île de Madagascar.
Le projet est abandonné à l’automne.
Le 20 janvier 1942 lors de la conférence de Wansee, Reinhart Heydrich chef des services de sécurité expose les modalités de la « solution finale de la question juive ».
Le 7 avril 1942 devant l’Etat Major SS Heinrich Himmler déclare :
« Tout ce que nous faisons doit être justifié par rapport à nos ancêtres. Si nous ne retrouvons pas cette attache morale, la plus profonde et la meilleure parce que la plus naturelle, nous ne serons pas capables à ce niveau de vaincre le christianisme et de constituer ce Reich germanique qui sera une bénédiction pour la terre entière. Depuis des millénaires, c'est le devoir de la race blonde que de dominer la terre et de toujours lui apporter bonheur et civilisation….
Il m’est totalement indifférent de savoir si les autres nations vivent prospères, ou crèvent de faim. Leurs peuples m’intéressent dans la seule mesure où ils peuvent nous être nécessaires comme esclaves de notre culture. Le sang de bonne qualité, de même nature que le nôtre, que tous ces peuples peuvent nous offrir, nous le prendrons…Les autres, qui ne sont pas de notre race, ils devront disparaître… »

3) SUR LES ABUS DU POUVOIR PESONNEL

Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques. Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes(…)
« Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.
« Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le
maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître. (…)
« Il n’est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple…
« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. »
Alexis de TOCQUEVILLE – DE LA DEMOCRATIE EN AMERIQUE 1840

mardi 20 janvier 2009

D'UNE CONSTITUTION A L'AUTRE

La République a été proclamée pour la première fois en France le 22 septembre 1792. En 200 ans elle a pris cinq formes différentes, numérotées de Un à Cinq, qui dans l’ensemble ont fait l’objet d’une dizaine de Constitutions. Alors que les Etat-Unis, dont l’histoire est moins tourmentée, n’ont pas éprouvé le besoin d’en changer depuis le 4 mars 1789 ; ils se sont contenté de la corriger par 24 amendements. Par contre, à elle seule, en 50 ans la Constitution de la Vème République a été révisée 28 fois. En 1981, si François Mitterrand, qui fut à l’origine un de ses plus virulents détracteurs, n’a pas trouvé utile de la remplacer par une autre, c’est qu’il devait avoir ses raisons. En bon avocat appelé à plaider les causes les plus indéfendables, il a probablement jugé que la Constitution devait pouvoir se lire aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche. Dans une interview qu’il accordait au journal Combat le 22 octobre 1962 il déclarait en effet :« Je ne dis pas qu’il ne faille pas tirer de la Constitution ce qu’elle peut avoir de bon, et notamment le fait d’avoir à la tête de l’Etat un homme qui dispose d’une certaine stabilité et de grands pouvoirs.» Pourtant certains voudraient aujourd’hui mettre en place une sixième République. Mais à gauche aussi bien qu’à droite, personne ne semble disposé à déclencher une révolution ou un coup d’Etat militaire qui permettrait de mettre fin à ce régime. Il faut donc faire avec. Le tout est de savoir comment il serait possible de changer les choses sans rien casser.En 1958, la France était encore une puissance coloniale. Elle n’est plus maintenant qu’une province de l’Europe. Le peuple français qui, le 29 mai 2005 a rejeté à plus de 52% le traité proposant une Constitution pour l’Europe n’a rien à voir avec le corps électoral qui, le 28 septembre 1958, a adopté à 85% la Constitution de la Vème République. La question s'adressait alors à près de 46 millions d'électeurs ( dont 26.6 millions en Métropole et 19 millions - soit 42 % - dans les territoires d'outre-mer).
En Métropole la réponse a été OUI à 79%. Dans les territoires d'outre-mer, formés pour la plupart d'anciennes colonies, le OUI l'emportait à 94 % des suffrages exprimés ; à l'exception de la Guinée qui, avec 95 % de NON décidait de se retirer de la Communauté. Le Général de Gaulle ne se faisait pas trop d'illusions sur l’avenir de ce « Commonwealth » à la française: "La Communauté, c'est de la foutaise ! Ces gens là, à peine entrés, n'auront qu'une idée : celle d'en sortir.". Ce que, pour la plupart, ils feront deux ans plus tard en déclarant leur indépendance. Les institutions de la Vème République ont donc été décidées presque pour moitié ( 42%) par des gens dont les petits enfants sont aujourd’hui considérés comme des étrangers indésirables.De 1946 à 1958, la IVème République n’a rien fait d’autre que reproduire les errements de la IIIème ; en douze ans d’existence 27 gouvernements se sont succédés, d’une durée moyenne de 5 mois, certains n’ont tenu que deux jours. En 1946, dans ses discours de Bayeux et d’Epinal, le Général de Gaulle avait exposé les idées qu’on aurait du suivre pour fonder la Constitution de la IVème République en insistant sur le principe de la séparation des pouvoirs et sur le rôle déterminant du Chef de l’Etat :« C'est du chef de l'État, placé au-dessus des partis que doit procéder le pouvoir exécutif…À lui l'attribution de servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques. » Le 27 aout 1958, Michel Debré justifiait devant le Conseil d’Etat la nécessité d’en venir au régime présidentiel dont rêvait le Général de Gaulle. « … la tentation est grande, après avoir pâti de l’anarchie et de l’impuissance, résultats d’un régime conventionnel, de chercher refuge dans l’ordre et l’autorité du régime présidentiel… Le régime présidentiel est la forme démocratique qui est à l’opposé du régime d’assemblée. ». Il jugeait toutefois préférable d’en différer la mise en application : « Le régime présidentiel est présentement hors d’état de fonctionner en France…[il] est actuellement dangereux à mettre en œuvre…. le Président de la République n’a pas d’autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il sollicite le Conseil constitutionnel, il sollicite le suffrage universel ». Pourtant l’idée de procéder à l’élection du Président de la République au suffrage universel lui paraissait, à cette époque, inapplicable. Les électeurs d’outre-mer pesaient trop lourd ; à cause d’eux la balance risquait de pencher du mauvais côté. Les consulter à ce sujet, disait-il,« ne serait pas raisonnable et serait gravement de nature à nuire à l’unité de l’ensemble comme à la considération que l’on doit au chef de l’Etat ». D’après lui, le danger venait aussi de « l’attitude de révolte qu’un certain parti [encadrait] avec force ». ( Le Parti communiste avait en effet recueilli 26% des suffrages aux élections législatives de 1956).Il convient de noter que la Constitution de la Vème République est bâtie très exactement à l’envers de la Constitution américaine. Il suffit de comparer leurs structures respectives. Les deux constitutions sont fondées sur la souveraineté du peuple et sur le principe de la séparation des pouvoirs, législatif, exécutif, judiciaire, tel que l’avait défini Montesquieu. Suivant le plan de la Constitution américaine le législatif est placé avant l’exécutif qui ne peut rien faire sans l’accord du Congrès. La Constitution française, au contraire, où l’ordre des chapitres est très exactement l’inverse, instaure un rapport de domination de l’exécutif sur le législatif.A ce jour, la Constitution de la Vème République a fait l’objet de 28 révisions. Deux d’entre elles ont considérablement modifié le paysage politique. La première, adoptée par référendum le 28 septembre 1962 à plus de 61% des suffrages exprimés et 23 % d’abstentions décidait que le Président de Président de la République serait désormais élu au suffrage universel pour une durée de sept ans. La seconde adoptée elle aussi par référendum le 24 septembre 2000 à 73% des suffrages exprimés mais avec près de 70% d’abstentions (69.81%) ramenait la durée du mandat présidentiel à 5 ans. Le 31 janvier 1964, dans une conférence de presse, le Général de Gaulle s’expliquait sur l’usage qu’on pouvait faire des textes :
« Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique… Notre Constitution est bonne. Elle a fait ses preuves depuis plus de cinq années, aussi bien dans des moments menaçants pour la République qu’en des périodes de tranquillité. Sans doute, d’autres circonstances et d’autres hommes donneront-ils plus tard à son application un tour, un style, plus ou moins différents. Concurremment avec l’esprit et avec le texte, il y a la pratique… »Les deux révisions en question ont déterminé trois profils différents, trois styles de gouvernement, trois types de rapport entre l’exécutif et le législatif. Elles ont dessiné trois périodes : la première de 1958 à 1965, la seconde de 1965 à 2002, la troisième à partir de 2002.En 1958 le Général de Gaulle est appelé à régler les problèmes que les gouvernements de la IVème République n’ont pas été capables de résoudre, en particulier la question algérienne. De 1958 à 1965, les institutions de la République ont plutôt la forme d’un règlement militaire où les ordres venus d’en haut ne se discutent pas. Le législatif est aux mains d’un seul parti l’UNR soumis aux directives de son chef. Ses membres sont traités de « godillots ».A partir de 1965, s’ouvre une seconde période. La question algérienne étant réglée, le Général de Gaulle va poursuivre son rêve d’établir la synthèse entre la république et la monarchie. De 1965 à 2002, la République va donc prendre la forme d’une « monarchie républicaine ». Le 5 décembre 1965, les citoyens français sont appelés, pour la première fois, à élire le Président de la République au suffrage universel. Le général DE GAULLE avait voulu ce changement de mode de scrutin pour « qu’au dessus des contingences politiques soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons. » ( Discours de BAYEUX 16 juin 1946 ). Il paraît déçu par cette première expérience :
« Hélas ! Ca ne vole pas haut. Comme tout çà est médiocre. » Au cours d’une conversation avec Alain PEYREFITTE, il juge avec sévérité ses concurrents, leur reprochant de « patauger dans la bassesse » :
« MITTERRAND est le plus roublard, le plus dangereux ; il est prêt à soutenir toutes les thèses, à renier tout le monde et à se renier lui-même pour s’emparer du pouvoir. »
« LECANUET c’est l’enfant de chœur qui a bu le vin des burettes et qui s’en est enivré. »
« TIXIER VIGNANCOUR, c’est Vichy, la collaboration fière d’elle-même. »
« MARCILHACY, c’est le notable, sûr de lui parce qu’il est notable, et qu’il regarde de haut les Français, comme si les pouvoirs de la République lui étaient dus par droit d’hérédité. »
« BARBU, c’est un brave couillon, il y en a beaucoup qui doivent se reconnaître en lui. »Au premier tour, le Général de Gaulle est mis en ballotage. Il est élu au second tour avec 54.51% des suffrages contre 43.71% à François MITTERRAND. Il ne terminera pas son mandat. Il démissionnera le 28 avril 1969 après l’échec du référendum qu’il avait proposé. Les élections présidentielles qui vont suivre ne voleront pas plus haut que la première. A deux exceptions près le second tour opposera toujours un candidat de droite à un candidat de gauche. Et pourtant le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel aura notamment pour effet de mettre en avant les personnes au détriment de leurs programmes. Les jugements que le Général porte sur ses concurrents en sont l’illustration. A trois reprises au cours de cette période, le calendrier des échéances électorales mettra le Président dans l’obligation de choisir entre deux attitudes : ou se démettre ou composer avec un Premier Ministre d’un bord opposé. Ce seront les années de cohabitation. Mais dans tous les cas, à un moment ou un autre, les Présidents ont eu du fil à retordre avec des Premiers Ministres impatients de prendre la place. A commencer par Pompidou. Sur les 18 Premiers ministres de la Vème République 8 se sont portés candidats à la Présidence.A partir de 2002 le vent tourne. Le Président de la République est devenu un « produit » qu’il faut vendre à tout prix. A cet effet, le 23 avril 2002, entre les deux tours de l’élection présidentielle et pour préparer les élections législatives à suivre, Jacques CHIRAC fondera l’UMP : Union pour la Majorité Présidentielle qui se camouflera plus tard sous l’étiquette Union pour un Mouvement Populaire. A partir de là le choix du Président va devenir une opération commerciale favorisant le développement de nombreux produits dérivés dont les télévisions, les médias, les instituts de sondage, les agences de publicité et les magazines « people » font largement faire leur beurre. On est sorti de la « monarchie républicaine » pour entrer de plein pied dans la république du show-bizz. Par ailleurs, du fait de la coïncidence des échéances électorales le Président ne risque plus d’avoir à supporter une nouvelle cohabitation. Qu’a cela ne tienne en 2007, le nouveau Président trouvera le moyen d’en inventer une autre consistant à prendre la place du Premier Ministre, réduit à l’état de simple figurant.D’ici 2012 il faudra trouver le moyen d’en venir, sans rien casser, à une forme de République « plus raisonnable » où les textes pourront se lire dans le bon sens c'est-à-dire à partir de la gauche.

BREVE HISTOIRE DE L'HUMANITE

Cette histoire est la longue suite des relations aveugles que les hommes entretiennent avec le monde, et en particulier avec la matière dont ils sont faits, qui les a longuement façonnés sans jamais leur donner l’occasion de donner leur avis sur la question.
Les historiens n’ont pas jugé utile de retenir ici l’hypothèse d’une intervention extérieure
(c’est-à-dire « méta-physique », au sens précis du terme) préférant s’en tenir à l’idée que la nature n’avait besoin de personne pour savoir ce qu’elle avait à faire.
L’histoire se déroule en trois périodes.

PREMIERE PERIODE
Tout commence il y a des milliards d’années. La terre n’est alors qu’un tas de poussière, un amas de matières premières sans valeur ajoutée. Un jour les continents se brisent et se séparent, les « choses » prennent forme, se mettent à bouger, à se fabriquer toutes seules, au hasard de rencontres entre des éléments qui n’avaient aucune raison de s’accoler et qui le font pourtant sans projet préalable.
Plus tard, la vie commence à remuer, tout doucement, comme un dormeur sous ses couvertures. Plus tard encore, beaucoup plus tard, apparaissent des animaux de toutes sortes, des oiseaux, des poissons, de quoi remplir au moins cinquante catalogues. Les hommes, peu à peu se détachent du lot, sans même s’en apercevoir. Tout ce travail s’opère sans le moindre apport de main d’œuvre. Le temps fait son œuvre tranquillement sans rien demander à personne. Car, il s’agit bien d’un travail, au sens mécanique du terme, le travail étant, par définition, le résultat de l’action d’un effort appliqué pendant un certain temps sur un objet, soit pour le déformer soit pour le déplacer, ayant dans tous les cas pour effet de le conduire à changer d’état. Au vu du caractère accidentel, mystérieux, en apparence irrationnel de ces phénomènes que nous n’avons pas les moyens de mesurer il est évidemment tentant d’imaginer l’intervention d’un agent invisible, qui nous permettrait d’expliquer même l’inexplicable. Nous serions alors dispensés d’aller chercher plus loin.
Au lieu de cette solution de facilité, nous préférons, pour le moment, nous en tenir à cette idée que la matière est un chat qui ne dort que d’un œil. Contrairement à ce que nous supposons d’habitude, qu’elle n’est pas inerte mais bien vivante. Sous ses dehors tranquilles, qu’elle est chargée jusqu’à la gueule du pouvoir de se transformer elle-même, voire de se détruire. Au point de se payer le luxe d’avoir des ouvriers pour le faire à sa place sans savoir ce qu’ils font.

DEUXIEME PERIODE
Le temps passe. Nous en sommes alors à trois millions d’années avant l’invention de notre calendrier. Les hommes jusque là se sont toujours laissé manipuler, se comportant comme des « objets » soumis aux caprices de la nature. A partir de ce moment là, ils entreprennent d’exister par leurs propres moyens sans avoir à compter sur personne d’autre qu’eux-mêmes. Afin de vivre mieux ils se mettent à « travailler » pour leur propre compte, à tailler du silex, à fabriquer toutes sortes d’outils. On en a retrouvé des centaines. Ils imaginent aussi de fabriquer des mots qui leur permettent de communiquer plus facilement. On ne sait pas très bien quand ils ont vraiment commencé à s’exprimer. Il n’existe pas de fossiles des premières paroles, aucune trace d’aucun discours.
Toujours est-il qu’au bout d’un certain temps, ils en viennent à croire qu’ils ont désormais les moyens de ne plus « se laisser faire », et qu’ils peuvent enfin maîtriser le monde. Alors que tout au long de la précédente période ils étaient des « objets », ils ont maintenant les moyens, ou plus exactement ils imaginent avoir le pouvoir de donner consistance à leurs rêves, de prendre leurs désirs pour des réalités ; ils se jugent capables de transformer le monde.
Ils perfectionnent leurs outils, inventent des leviers leur permettant de soulever des charges au dessus de leurs forces, et même des machines qui peuvent travailler pour eux.
En particulier dans l’agriculture. Un ouvrier à lui tout seul, au volant de sa moissonneuse-batteuse , fait le travail de vingt-cinq moissonneurs. Du jour au lendemain, l’agriculture a de moins en moins besoin de bras ; alors que l’industrie de son côté consomme de plus en plus de main d’œuvre.
De sorte que les paysans vont se faire engager comme ouvriers dans des usines. Faute de « savoir faire » on leur demande simplement d’être au service des machines. Alors que les outils, rangés au magasin des accessoires deviennent peu à peu des pièces de musée.
Puis on en vient à construire des usines sans travailleurs équipées de machines intelligentes, dressées à fabriquer n’importe quoi. Privés de leurs outils, les ouvriers se trouvent exclus du marché du travail. N’ayant plus aucun moyen d’existence ils sont, à leur tour, devenus des « objets » inutiles, bons à jeter à la décharge.
Dans le secteur des services la situation n’est pas beaucoup plus brillante. La aussi des machines, de plus en plus « savantes », prennent le pouvoir. Les ordinateurs de la Bourse sont capables d’effectuer en un clin d’œil des transactions financières portant sur des milliards de dollars sans qu’il soit possible de suivre le détail des opérations en raison de la dissémination des comptes. Sur tous les écrans de contrôle les chiffres se volatilisent et disparaissent avant qu’on ait eu le temps de les lire. Et l’argent s’évapore comme par miracle. Les banquiers, incapables de maîtriser le mouvement des capitaux en arrivent à mettre la clé sous la porte.

TROISIEME PERIODE
Par manque d’instruments de surveillance le système s’est emballé. Alors qu’ils avaient cru pouvoir domestiquer la matière, les hommes se trouvent maintenant dépassés par les transformations qu’ils ont déclenchées : changement climatique, marées noires, pollution de l’air, pluies acides, contamination des nappes d’eau, appauvrissement des ressources, dégradation des sociétés, famines, etc…
Les « forces de travail » sont retournées comme aux premiers temps dans le champ de la démesure et de l’incontrôlable. Les « éléments naturels », mis devant le fait accompli, doivent tant bien que mal compenser le désordre occasionné par les hommes et régler la situation en établissant un nouvel équilibre de forces dont les hommes à leur tour devront désormais tenir compte.
Les générations à venir ont du pain sur la planche…