dimanche 28 mars 2010

POURQUOI UN PRESIDENT ?


« Les hommes sont fort à plaindre d’avoir à être gouvernés par un roi, qui n’est qu’homme semblable à eux »
FENELON Les aventures de Télémaque (1699)

L’idée de distinguer un citoyen parmi plusieurs millions pour lui conférer le titre de Président de la République n’est pas venue du jour au lendemain.

Après avoir tenté d’y échapper par différents moyens, la Première République a quand même fini par se décider à choisir quelqu’un pour jouer ce rôle ; mais au lieu de le nommer Président ce fut pour lui donner le titre d’Empereur ; et cesser, par la même occasion, d’être une République. Etait-il besoin de tant s’agiter, pendant dix ans, pour en venir à remplacer une tête couronnée par une autre ? Avec, en plus, la bénédiction du pape pour faire bonne mesure.
En 1789 quand, après l’avoir supportée douze siècles, le peuple français décida d’en finir une fois pour toutes avec la monarchie, il ne supprima pas le Roi tout de suite. Le temps de lui trouver un remplaçant, le Roi de France « par la grâce de Dieu » se trouva tout d’abord rétrogradé au rang de Roi des Français, à la fois « par la grâce de Dieu » et « par la volonté du peuple », ne disposant plus du pouvoir que par délégation, aux termes de la Constitution de 1791.
Après avoir enfin tourné la page, dès qu’il fut question en 1793 de mettre en chantier une véritable Constitution démocratique, sans doute semblait-il déplacé, en tout cas peu conforme à l’idée qu’on pouvait se faire de la démocratie, qu’on en vienne à placer de nouveau le pouvoir exécutif entre les mains d’une seule personne.
Une première solution proposée par Condorcet en février 1793 consistait à prévoir un Conseil exécutif de la République composé de sept ministres ; la présidence du Conseil se trouvant assurée par l’un ou l’autre, à tour de rôle, pendant quinze jours. Mais la Constitution adoptée le 24 juin, qui ne fut d’ailleurs jamais appliquée, opta en fin de compte pour un Conseil exécutif composé de 24 membres. Deux ans plus tard la Constitution de 1795 entreprit de réduire ce nombre, disposant que le pouvoir exécutif serait délégué à un Directoire de cinq membres ; avant d’en arriver en 1799, avec une nouvelle Constitution, à un gouvernement composé de trois consuls ; dont un Premier Consul du nom de Bonaparte, qui eût bientôt fait de se défaire des deux autres. La boucle se trouvait ainsi bouclée.

Le premier à porter le titre de Président de la République fut George Washington, en 1787 ; bien qu’on ait envisagé un moment de lui conférer la royauté. Mais le titre de Président lui paraissait convenir mieux à une démocratie que celui de roi.

En 1848, la Constitution de la Deuxième République s’inspira du modèle américain en établissant que le peuple français déléguait le pouvoir exécutif à un citoyen qui recevait le titre de Président de la République ; disposant que celui-ci serait élu pour quatre ans au suffrage universel et qu’il ne serait rééligible qu’après un délai de quatre ans. On connaît la suite et comment Louis Napoléon Bonaparte n’attendit pas la fin de son mandat pour liquider la République et rétablir l’autorité impériale.
Ce qui tend à prouver, contrairement aux apparences, que le suffrage universel n’est pas, dans la pratique, aussi démocratique qu’on voudrait, dans la mesure où il recèle un réel pouvoir de nuisance contre lequel il y a lieu de se prémunir.

Sur ce point la Constitution des Etats-Unis a tenté de tourner la difficulté par un système d’élection à deux niveaux où, dans chaque Etat de l’Union, les citoyens désignent un certain nombre de grands électeurs, au total 538, chargés un mois plus tard, de désigner le Président. Sans parvenir à éviter quelques « dérapages », comme ce fût le cas en 2000 où le candidat démocrate AL GORE, bien qu’il ait obtenu 500 000 voix de plus que son concurrent dut s’incliner devant George W.BUSH qui le devançait de six voix du côté des grands électeurs.

En France, par mesure de précaution, après l’échec de la Deuxième République, plutôt que d’avoir de nouveau recours au suffrage universel, il fut décidé que le Président de la République serait élu pour sept ans par un collège électoral restreint composé du Sénat et de la Chambre des Députés réunis en Assemblée Nationale ; cette charge lui étant consentie surtout à titre honorifique, pour satisfaire aux exigences du protocole ; l’essentiel du pouvoir exécutif se trouvant placé par ailleurs entre les mains du Président du Conseil ; au moins pour le temps que les combinaisons parlementaires veuillent bien lui en laisser le loisir ; en moyenne sept mois.

En 1948 la Quatrième République reprenait les mêmes dispositions. Et la Cinquième en fit autant en 1958.

Bien que la décision prise en 1962 d’en revenir à l’élection du Président de la République au suffrage universel ait, dans un premier temps, réveillé le souvenir d’un précédent fâcheux et suscité bien des inquiétudes, le principe a fini par être accepté, mieux encore, exploité pendant 14 ans par l’un de ses plus virulents détracteurs.
Il n’en reste pas moins, qu’en se présentant comme un concours individuel l’élection est faussée au départ, dans la mesure où, par facilité, elle tend à donner plus d’importance à l’image des candidats qu’à leurs programmes.

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